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PRATIQUE DE L’ANESTHESIE EN HAÏTI


PRATIQUE DE L’ANESTHESIE EN HAÏTI


Denise Fabien1-2, MD
1Anesthésiologiste, algologue, Consultante à l’HUEH
2Titulaire de la chaire d’anesthésiologie à la FMP

Introduction
Cet article est écrit à la mémoire du Dr Emmanuel Gilles qui, avant de partir vers des meilleurs rivages, a tenu à rendre hommage au Dr Rousseau responsable de notre formation. Par ses recherches historiques, il nous a appris la modestie qui l’a toujours qualifié.  Je me suis inspirée de son travail. Nous faisons aussi un clin d’œil à notre inoubliable Marise Saget, anesthésiologiste, qui a longtemps milité au Sanatorium, ancienne Présidente de la Société Haïtienne d’Anesthésie (SHA). Elle est  partie avec nos 300.000 compatriotes le 12 janvier 2010. Ils ont fait ce qu’il fallait, Paix à leurs âmes. A notre maître le Dr. Rousseau qui m’a appris la persévérance et renforcer mon rêve d’excellence dans les soins que nous prodiguons aux patients (es) de l’HUEH.
La modification de la perception douloureuse et l’obnubilation de la conscience ont toujours été les points de mire des chamanes, des barbiers (chirurgiens français du moyen âge), et des dentistes. C’est en 1842 que l’anesthésie réelle a fait son entrée dans la Médecine avec la découverte de l’anesthésie par inhalation de l’éther dont  Crawford W. Long venait de découvrir les propriétés anesthésiques.

En Haïti, Période de (1890-1966) : Le temps des chirurgiens.
Cette période est divisée en trois parties :
a) L’anesthésie par inhalation en circuit ouvert, la rachianesthésie, l’anesthésie locorégionale.
b) L’anesthésie en circuit fermé avec intubation orotrachéale pratiquée par le chirurgien et toujours locorégionale. Formation d’infirmières et de techni- ciens pour surveillance du patient anes- thésié.
c) L’arrivée du Dr  Rousseau à l’HUEH comme attaché au service de Chirurgie.

1- L’Anesthésie par inhalation : éther en goutte à goutte, chloroforme.
C’est en 1890 que le Dr Audain revint au pays. Chirurgien formé en France, il tint une grande place dans le développe- ment de la chirurgie «majeure », où il employait lui-même le chloroforme appelée « anesthésie à la Reine ». A cette époque, c’était la grande mode en Europe et la reine Victoria en a bénéficié d’une manière heureuse. C’est en 1915 avec l’arrivée des américains que nous avons commencé à utiliser l’éther en goutte à goutte, c'est-à-dire en circuit ouvert avec les 4 stades de Guedel :
a) le stade d’agitation correspondant à
l’endormissement et à la résistance du patient,
b) La perte de conscience,
c) Le stade chirurgical qui permettait au chirurgien d’opérer,
d) Le surdosage avec détresses vitales.
Ces différents stades de l’anesthésie sont encore d’actualité au cours de l’anesthésie par inhalation et nous permet d’éviter les laryngospasmes par exemple chez un patient insuffi- samment endormi (pose d’un masque laryngé au stade 1 ou 2) dans l’anesthésie par inhalation.
Les accidents et complications ne nous sont parvenus que de manière indivi- duelle, mais aucune revue des cas ne nous les mentionne. Les publications qui peuvent être trouvées sont en rapport direct avec la chirurgie, et le vieil adage qui dit que « l’opération a réussi mais le malade est mort » est encore d’actualité.
L’anesthésie locorégionale et troncu- laire était très prisée des orthopédistes, la cocaïne était utilisée comme anes- thésique local. On relève cependant beaucoup d’accidents allergiques et toxiques avec ce produit qu’on a du abandonner. Il fut découvert par un ophtalmologue allemand Carl Koller à la fin du 19ème et employé maintenant à des fins toxicomaniaques. Il est rempla- cé par la novocaïne à cette époque.
2- L’arrivée du Dr Auguste Denizé, chirurgien thoracique inaugurait l’aire de la formation des infirmières et de l’anesthésie en circuit fermé. En fait, il y avait autant d’infirmières dans la formation que de techniciens de labo- ratoire. En 1976, Madame Gervais, Miss Leblanc travaillaient et nous avaient parfois aidés à sortir de bien des problèmes. Avec le Dr. Denize qui intubait lui-même les patients, elles avaient été formées pour la surveillance.  C’est une aire qui nous a permis de connaître les circuits filtres ouverts et fermés. Les gaz employés étant très explosifs (éther, cyclopropa- ne), le circuit fermé était de mise.
Pendant ce temps à l’HUEH on continuait l’éther en goutte à goutte. On continuait aussi à faire les anesthésies locorégionales et le Dr Antony Lévèque m’a souvent parlé de ces goitres volumineux qu’il faisait sous bloc cervical qu’on emploie aujourd’hui pour le traitement de la douleur et la trachéotomie. Il m’avait aussi parlé des problèmes de trachéomalacie post opératoire ainsi que de la fameuse crise maligne d’hyperthyroïdie.
3- L’arrivée du Dr. Rousseau nommé comme médecin  attaché au service de chirurgie.
Il arrive en 1959, frais et moulu d’une formation d’anesthésiologie de quatre ans au Canada, pour mettre ses connaissances au service du pays. Les infirmières et les techniciens faisaient les cas privés et hospitaliers, on ne savait où le mettre. Le Dr Rousseau me racontait la situation qu’il vivait avec sa femme et son fils : « c’était une vie très dure ». Quand un de nos confrères malade disparut, on le nomma médecin attaché au service de chirurgie. Un jour qu’il rentrait au bloc, c’était au début des années 60, il trouva en SOP un chirurgien en train d’opérer une hernie discale sur le ventre, endormi avec l’éther en goutte à goutte. Il prit ses jambes à son cou et partit pour l’Hôpital Albert Schweitzer à Deschapelles. C’est ainsi que pendant  au moins 5ans, Port-au-Prince resta sans anesthésiologiste.


La 2ème partie de cette saga :
Le temps de la semence et du travail
couvrira la fin des années 60 (à partir de 66), 70 et 80. Elle sera publiée dans le 2ème numéro  de la revue.
Le temps de la semence et du travail

Je me suis souvent demandé quelle était la nécessité d’un témoignage personnel dans une revue médicale qui se veut scientifique. En m’efforçant de le faire, je me suis rendue compte que le devoir de mémoire passe toujours à partir  d’une expérience vécue avec ses succès et ses défaites, ses joies et ses peines, ses bonheurs et ses malheurs, avec cependant une conviction profonde : pouvoir se réintégrer dans son milieu environnemental avec ses valeurs naturelles et acquises dans le respect et l’acceptation des différences.
A partir des années 70, 80 l’espoir qu’on pouvait évoluer avec le reste du monde malgré l’archaïsme de la république héréditaire permit de :
- moderniser l’organisation des soins à l’HUEH et dans les hôpitaux privés
- renforcer la formation des résidents en anesthésie
- continuer la formation des infirmières en anesthésie qui s’arrête d’ailleurs en fin 70, début 80 en raison d’une hémorragie abondante et de leur utilisation à l’étranger.
-Fonder la Société haïtienne d’anesthésiologie (SHA).
Toutes les techniques étaient pratiquées enrichies par ce que les anesthésiologistes formés à l’étranger apportaient. Ces anesthésiologistes apprenaient aussi sur le terrain. Le Dr Rousseau avait une passion pour les blocs périphériques qu’il pratiquait en se basant essentiellement sur la clinique, ce qui demandait une excellente connaissance de l’anatomie et une intimité spéciale avec le (la) patient (e) au niveau de son ressenti et de son langage.
C’est le Dr Morno qui nous apporta la péridurale de manière structurer avec un protocole bien établi
Le maître mot à l’hôpital était l’économie. C’est pour cela beaucoup de travail ont été réalisé sur les coûts et les techniques les moins coûteuses allant des régionales au circuit fermé à l’halothane.
Cependant le matériel était réduit au strict minimum, ce qui intensifiait la surveillance clinique. Je n’ai pas pu retrouver nos taux de morbidité /mortalité de cette époque, ce serait intéressant de les comparer avec ceux des autres pays. Ce sera pour un prochain travail.
Dans les hôpitaux privés la dépendance au chirurgien était et est encore très présente, Nous n’avons pas encore de pool d’anesthésie hospitalière. Je crois que c’est le seul pays qui travaille ainsi dans notre hémisphère.
C’est dans cette période que se crée la SHA qui nous a vraiment ouvert vers l’extérieur. Relations avec les sociétés d’Amérique latine, relations avec les universités françaises pour complément de formation.
Avec la fédération mondiale des sociétés d’anesthésie, la SHA a posé le problème de la sécurité anesthésique. Il y a toujours eu un grand problème à ce niveau. C’est très important d’assurer cette sécurité au niveau de Port-au-Prince et de la province.
Parmi toutes les ressources indispensables pour assurer la sécurité les ressources humaines sont indispensables pour la couverture au niveau des hôpitaux nationaux publics et privés. La réflexion doit se faire sur ce thème.

Pratique de l’anesthésie

3ème partie

Il me serait aisé de parler de la pratique anesthésique au cours des années 70-80-90 sans l’intégrer dans le contexte socio-économique et politique que traversait le pays à cette époque. Je ne suis pas historienne, mais je peux dire que mondialement la sensibilisation aux droits humains et d’une manière plus spécifique aux droits de la personne humaine faisait son chemin.
Les congrégations religieuses investies  depuis toujours dans l’humanitaire étaient en coopération avec le MSPP responsables des soins dans la plupart des hôpitaux publics et même privés. L’OMS afin d’appliquer le Droit à la Santé de la personne mit en place des politiques de santé priorisant  pour les pays en voie de développement les soins de base: santé de la mère et de l’enfant, la vaccination, la prévention des maladies infectieuses, le planning familial. Les Etats donateurs distribuaient l’aide par l’intermédiaire des ONG qui exécutaient ces programmes. Nous étions sur le règne de ces organisations internationales pour assurer la santé de notre population Nous avons vu pousser des ONG de santé pour exécuter ces politiques. Des programmes divers faisaient rentrer l’argent en faisant construire quelques dispensaires n’importe où et n’importe comment, afin disaient-ils d’améliorer la santé de la population.
Les soins curatifs étaient donnés à différents niveaux d’hôpitaux (hôpital de commune, de district et Hôpital de référence qui était pour nous l’HUEH. Les hôpitaux de district avaient les 4 services de base : médecine, chirurgie/Anesthésie, pédiatrie, maternité avec des moyens transversaux : radiographie et laboratoire.
C’est à ce moment là que l’HUEH a été sacrifié. Avec un manque de matériel chronique, des services transversaux (laboratoire radiographie) inefficients, Il était difficile pour l’anesthésiologiste de préparer un patient, en particulier au service des urgences, afin d’assurer sa sécurité au bloc opératoire. Il y avait en permanence conflit entre chirurgiens et anesthésiologistes les uns rejetant les responsabilités de l’échec sur les autres.
Afin de montrer son intérêt pour le Droit à la santé de la personne le président héréditaire  est venu faire un show à l’HUEH, après avoir distribué quelques pinces cochères et humilié les chefs de service les traitant de voleurs, les rendant responsables du dysfonctionnement de l’HUEH. Il  refusa aider de son acolyte le Dr Lafontant de prendre le rapport du Dr Miot qui avait passé toute sa vie à former des générations d’orthopédistes. J’ai compris alors que la démagogie allait trop loin ; A cette époque le personnel de soutien et autres étaient convaincus de leur toute puissance.
Cependant, nous essayions d’organiser la Sécurité anesthésique en Haïti, par l’intermédiaire des contacts de la SHA en nous intégrant aux différentes corporations latino-américaines, où contrairement à nous l’anesthésiologie était reconnue comme une spécialité hospitalière et où les médecins travaillaient en pool constant suivant des programmes chirurgicaux bien précis sans dépendance individuelle.
Nous faisions chaque 2 ans nos congrès et y allions aussi en Amérique du sud et en Europe invités par les associations d’anesthésiologie. Les compléments de formation étaient organisés avec des résidents en fin de parcours dans les universités de Strasbourg, Nancy, Clermont Ferrand qui revenaient toujours au pays afin de participer au développement de l’anesthésiologie.
Pendant 10 ans au moins les stages des résidents de 3ème année se faisaient dans des hôpitaux de district, nos infirmières anesthésistes étaient prisées de toute part dans les hôpitaux d’Europe et d’Amérique du Nord, nous n’avions pas de législations pour eux, et seules, en province elles ne tenaient pas le coup
C’est alors qu’un groupe de médecins prit en charge la salle commune de L’hôpital St François de Salles avec un roulement indépendant des chirurgiens. Ce n’est qu’à la fin des années 80 que les hôpitaux privés instituèrent les SSPI (soins de sécurité post interventionnels) où tout simplement salle de réveil.
La consultation anesthésique, acte médical capital pour la sécurité anesthésique, est très peu comprise par les chirurgiens, et les soins intensifs postopératoires sont à leur charge.
A ce niveau là, deux écoles, celles européennes où la spécialité est Anesthésie /réanimation, et celle Nord-américaines où elle s’appelle anesthésiologie. Nous sommes un mélange des deux toujours dépendant du chirurgien.
La pratique anesthésique de notre pays n’échappe pas au contexte médical dans lequel est placé tout médecin pratiquant chez nous :
Une législation pauvre
Une couverture anesthésique faible au niveau de la périphérie
Une dépendance exagérée aux chirurgiens et maintenant aux ONG
Une éthique malade
Et…. Une grande pauvreté.
Le séisme du 12 janvier nous donne l’occasion et le désir de nous refonder et de nous reprendre


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